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Notre mouvement civil pan-européen, Stand up for Europe, a remis, le 11 février dernier, au Press Club Brussels Europe, le « Lobby award » de la « personnalité européenne de l’année » à M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne. Par ce geste, nous avons d’abord voulu honorer un homme doté, de par ses éminentes fonctions passées, d’une grande expérience des institutions, des États, et du contexte politique actuel. Mais aussi une figure qui, aujourd’hui, incarne à sa façon, avec humanité, l’Union européenne, c’est à dire son Histoire, ses nombreux équilibres politiques, et ses valeurs. En le choisissant, nous voulons partager une conviction: qu’il est l’un des premiers responsables capable de provoquer le sursaut du projet européen.

Une élection respectueuse de la démocratie européenne

Sa nomination ne fut pas chose aisée, au printemps 2014, après que le parti populaire européen (PPE) ait remporté les élections. Les lacunes de la vie politique européenne, ainsi que le faible engouement populaire suscité par les « Spitzenkandidaten », ont fait alors douter. De même, les crises politiques nationales, dans les pays du Sud, mais aussi au cœur et à l’Est du continent, avisaient plutôt, selon certains, que l’Europe « ne prenne plus les mêmes et recommence ». Il est pourtant heureux que le Conseil européen ait finalement validé le progrès démocratique permis par le Traité de Lisbonne et respecté ses propres engagements ! Choisir M. Juncker, cautionner son parcours, certes imparfait, c’était témoigner d’une volonté de sauvegarde de ce que les Européens ont bâtis, assumer l’héritage, et se projeter vers l’avenir avec un souci de légitimité et d’efficacité.

Une Commission responsable du sursaut du projet européen

Les chefs d’Etat n’ont pas de raison de regretter cette issue. Car, depuis un an, les premiers pas du lauréat de « Lobby » ont été significatifs. Une main a été tendue à M. Schulz et aux capitales, qui ont été associés à la préparation du programme de travail intelligemment limité de la Commission. M. Juncker a également exprimé sa compréhension des attentes fortes, et légitimes, des citoyens ; son ton est stable, pour marquer la gravité de la période, mais il n’est pas dénué de passion. Il fallait cette attitude pondérée pour présider aux destinées d’une institution responsable de la gestion de « polycrises ». Tout comme il fallait des résultats rapides: ils sont là, avec le plan de relance de l’investissement, qui porte déjà ses fruits, avec les progrès en matière de fiscalité, ou avec le lancement de nouvelles industries européennes de l’énergie et du digital.

Le défi : rendre les citoyens européens à nouveau fiers de leur projet

Constatons aussi que M. Juncker s’est, avec une certaine abnégation, attaché à raviver l’esprit communautaire en veillant à un équilibre et à une coopération renouvelés entre les Etats et les institutions. Rappelons nous qu’il a, dans un élan de bon sens, rétabli une hiérarchie des enjeux auxquels l’Europe est réellement confrontée, loin des engouements ou des silences coupables des opinions et des médias. De façon plus importante encore, voyons qu’il pousse les États à prendre leurs responsabilités, par exemple sur le dossier des migrants et des réfugiés, pour lequel la solution est autant européenne qu’elle doit être globale et orientée sur le long terme. Gardons à l’esprit qu’il a défini, avec les présidents de la BCE, du Parlement, du Conseil européen et de l’Eurogroupe, un plan de consolidation de la zone Euro, l’édifice politique régional le plus abouti au monde.

L’Union européenne est à un tournant : elle peut se défaire par l’incurie des États, le dysfonctionnement de ses institutions, et les forces de divisions de toutes sortes qui ne veulent pas que triomphe son exemplarité. M. Juncker peut, avec d’autres dirigeants, nous faire échapper à cette sombre perspective. Sa tâche n’est pas facile. C’est pourquoi il nous paraît nécessaire de le comprendre et de le soutenir, en veillant à juger son mandat à l’aune de trois objectifs : la restauration de la confiance entre les peuples, les Etats et les institutions ; les conditions d’une alchimie nouvelle entre les hommes, les institutions et le contexte politique ; enfin, l’espoir de provoquer, à nouveau, dans le cœur et les esprits des citoyens, un sentiment de fierté et d’appartenance communes.

Olivier Marty est Maître de conférences à SciencesPo Paris
Jules Béjot est étudiant à l’Institut d’études européennes (IEE) de Bruxelles.

Tous deux sont membres de Stand Up for Europe, mouvement civil pan-européen militant pour une poursuite de l’intégration communautaire (http://www.standupforuseurope.eu)

 

Publication originale par le journal L’Echo (Belgique) le 24 février 20016.