LE CERCLE/POINT DE VUE – La Commision veut mettre en place un fonds européen de défense. Cette démarche est astucieuse  : en passant par l’investissement, l’Europe n’empiète pas sur les souverainetés nationales.

Les chocs provoqués par le Brexit et l’élection de M. Trump à la présidence des Etats-Unis invitent à réfléchir avec plus d’acuité au sursaut du projet européen. Faire de l’Union un levier pour mieux exercer les souverainetés nationales est l’une des clefs : c’est la raison pour laquelle il faut se réjouir de la proposition faite par la Com­mission de mettre en place un fonds européen de défense.

L’exécutif communautaire vient en effet d’adopter un plan d’action pour une défense européenne qui prévoit la création d’un fonds visant à financer des projets industriels et la constitution de capacités militaires conjointes voire communes. Par les premiers, il faut entendre des programmes de recherche et de développement en matière de technologies et d’équipements de défense (métamatériaux, logiciels ­cryptés, robotique…) ; dans les secondes, il faut voir la possibilité d’effectuer des achats groupés de matériel, selon des standards définis par les Etats, qui resteraient propriétaires de la techno­logie et des équipements (drones, ­hélicoptères, avions de transport…).

L’habileté de la Commission

C’est bien peu, diront les esprits chagrins ! C’est au contraire intelligent, répondront ceux qui voient là une ­nouvelle illustration de l’habileté de la Commission Juncker, soucieuse de préserver l’unité européenne, de répondre concrètement à des problèmes pressants et de favoriser progressivement un regain de coopération des Etats. Sans aborder les deux autres volets du plan d’action, visant à promouvoir les investissements dans les fournisseurs de cette industrie spécifique avec l’aide de la Banque européenne d’investissement (BEI) et à renforcer le marché ­unique de défense, il y a au moins deux raisons de soutenir le projet de nouveau fonds envisagé par la Commission.

Olivier Marty / maître de conférences en institutions européennes à Sciences po

Publication originale sur :  www.lesechos.fr