lesechosLa tourmente politique que traverse actuellement David Cameron à la suite des révélations des « Panama papers » est une nouvelle occasion d’aviver les craintes sur la possibilité d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. C’est une conjoncture de mauvais augure, à l’heure où nos sociétés ont besoin d’appréhender leur avenir sereinement.

Le référendum britannique n’est certes pas à l’abri de considérations de politique intérieure ou de manoeuvres personnelles, à l’instar de celles tristement observées en France lors du débat sur la Constitution européenne en 2005. Mais nous sommes encore loin d’un vote négatif. David Cameron, même affaibli, peut s’enorgueillir d’avoir obtenu des éléments symboliques au cours des négociations menées avec le Conseil européen. Aussi, les Britanniques ont, pour beaucoup, conscience que les solutions alternatives à leur appartenance à l’Union européenne sont imparfaites. Ils risquent avec ce scrutin une période de grande incertitude économique, en même temps qu’un discrédit international net. De plus, leurs problèmes intérieurs, avec la perspective d’un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, pourraient s’en trouver décuplés.

C’est pour amener les citoyens britanniques à bien réfléchir que certaines figures étrangères sont intervenues dans leur débat. On se souvient qu’Emmanuel Macron a soulevé le risque que les migrants de Calais seraient, dans l’hypothèse d’une sortie du Royaume-Uni, invités à se diriger promptement vers l’Angleterre. Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, lors d’un débat organisé par diverses chambres de commerce à Londres, avait quant à lui feint de croire que les pays d’Europe « pleureraient » dans le cas d’un départ des Britanniques. Sans doute fallait-il voir dans la tactique des deux hommes le souhait raisonné de pérenniser l’Union pour s’atteler, ensuite, à l’approfondissement de la zone euro, comme l’accord conclu le permet.

Les conséquences d’un éventuel vote négatif sont également très incertaines. En effet, les centaines de relations que le Royaume-Uni a tissé avec l’Union, ses Etats et ses acteurs économiques devraient alors être renégociées. Et on peut penser que, durant ces longs mois, les capitales voudront en fait trouver un nouveau compromis, comme ils l’ont si souvent fait. Que deviendront les milliers de fonctionnaires britanniques dans les institutions ? Que fera-t-on des parts du Royaume-Uni dans l’encours d’institutions financières de l’Union ? Les Etats membres de l’Union européenne oseront-ils, in fine, imposer à ce pays si incommode mais important un statut semblable à celui de la Norvège ou de la Suisse, si tant est qu’il l’accepte ? Il n’est pas interdit d’imaginer que les discussions seront suffisamment difficiles pour rendre nécessaire un nouveau vote…

Plutôt que d’exciter les peurs, nous devons voir que, à bien des égards, le Brexit est une nouvelle occasion pour l’Union de porter ses valeurs et de se renforcer. La politisation transnationale croissante – et bienvenue – des enjeux européens depuis le début de la crise entretient des débats vifs qui poussent l’Europe à sélectionner avec parcimonie de nouvelles priorités politiques (fiscalité, migrations…). Il y a tout lieu de s’en réjouir car une intégration efficace reste conforme aux souhaits des Européens : ceux-ci ne remettent pas en cause la finalité de l’UE, mais contestent la façon dont leurs pays sont gouvernés et dont ils laissent les institutions sans perspectives. Il est temps que les dirigeants nationaux se saisissent de la portée historique de ce débat en revenant à l’essentiel, c’est-à-dire au futur de l’Europe, seul à même de restaurer leur dignité.

Alors, oui, le projet européen sera plus fort que le Brexit !

Olivier Marty

Olivier Marty est maître de conférences en institutions européennes et en questions internationales à Sciences po.

Publication originale pour  www.lesechos.fr