lesechosLa Commission européenne a adopté fin novembre son examen annuel de croissance, qui donne le coup d’envoi du Semestre européen. Ce cycle de coordination des politiques économiques, budgétaires et structurelles des pays de l’UE a été créé en 2010 pour favoriser la convergence et la stabilité de l’économie européenne. Dans ce cadre, les États alignent leurs politiques économiques sur les règles et les objectifs qu’ils ont eux-mêmes arrêtés au niveau de l’Union. Toutefois, bien qu’ils aient tout intérêt à se prévaloir de ce processus, nos Etats s’y conforment si discrètement que les acteurs économiques ont du mal à mesurer les bienfaits de cette démarche européenne.

Le Semestre européen s’articule autour de trois axes : la politique économique et les réformes structurelles, qui visent principalement à promouvoir la croissance et l’emploi conformément à la stratégie de l’Union « Europe 2020 » ; les politiques budgétaires, pour assurer la viabilité des finances publiques dans le cadre du Pacte de stabilité rénové ; la prévention des déséquilibres macroéconomiques excessifs. Après une phase préparatoire, le semestre comprend deux temps, l’un européen, l’autre national: de janvier à avril sont établies les orientations politiques au niveau de l’Union, sur la base d’évaluations des situations des pays ; d’avril à juillet sont élaborés les objectifs propres à chaque pays.

Le processus organise une concertation étroite, dynamique et ouverte des niveaux européens et nationaux tout en lui conférant une légitimité accrue, puisque les États membres en valident chacune des étapes. Ainsi, le Conseil européen propose en mars des grandes orientations concernant les réformes budgétaires, économiques et structurelles de l’Union, de même qu’il approuve en mai les recommandations par pays que la Commission propose à la suite de la revue des programmes de stabilité des Etats. On voit bien que, tout au long du Semestre, ce qu’évaluera « Bruxelles » découle de la volonté des capitales, qui ont-elles-mêmes accepté ce processus de coordination et de convergence économique.

Heureuse nouvelle : le dispositif a fait l’objet de trois améliorations en octobre dernier. La première consiste à mieux intégrer les dimensions de la zone Euro et celles qui sont nationales : à titre illustratif, c’est dans le cadre de recommandations propres à l’Union monétaire que les États de la zone s’engagent désormais à coordonner leurs réformes structurelles. La deuxième vise à mieux tenir compte des situations sociales nationales, conformément aux souhaits explicites du président Juncker. La troisième, enfin, fournit de nouveaux outils pour aider les États à conduire leurs réformes, que ce soit par l’échange de meilleures pratiques sur des thématiques précises ou par le biais d’assistance technique.

La France tire parti du Semestre européen. L’évaluation de la Commission confirme par exemple deux défis identifiés par le gouvernement : la réforme du marché du travail et la perte de compétitivité. Aussi, le Semestre démontre-t-il une convergence entre les politiques du gouvernement et les objectifs de l’exécutif communautaire. Notre pays peut néanmoins mieux faire sur trois sujets : un effort budgétaire et une revue des dépenses publiques plus systématiques ; l’élimination résolue des obstacles à la croissance des entreprises ; enfin, la simplification et l’efficacité du système fiscal pour stimuler l’investissement, ce qui implique de faire plus peser la fiscalité sur la consommation que sur le travail.

Le Semestre européen est un progrès important apporté à la gouvernance économique européenne et, singulièrement, à la zone Euro, qui devient plus respectueuse des intérêts de chacun tout en renforçant la coordination en faveur de l’intérêt commun. Plus que tout autre, la France a pleinement intérêt à jouer ce jeu!

Olivier Marty enseigne les institutions et les questions économiques européennes à SciencesPo et à HEC

 

Première parution par Les Echos en date du 31/12/2015