LE CERCLE/HUMEUR – Pour notre contributeur, le président de la Commission européenne a posé les bases d’une relance politique de l’Union.
Alors que Jean-Claude Juncker vient de prononcer son troisième discours sur l’état de l’Union devant le Parlement européen, il est temps de dresser un premier bilan de la Commission qu’il préside. Une telle prise de recul paraît d’autant plus utile qu’à mi-mandat, la multiplicité des crises ayant touché notre continent a obscurci ses réalisations, tandis que la réputation de Jean-Claude Juncker invite encore, souvent, à des jugements hâtifs.

Il est d’abord juste de rappeler que cet exécutif dispose d’une légitimité forte. En vertu du  Traité de Lisbonne, les Etats ont désigné en 2014 un homme modéré, disposant d’une solide expérience des arcanes communautaires, des dirigeants, et des dossiers.

Elu ensuite par le Parlement européen, il a constitué, avec l’aide des capitales, une équipe transpartisane, compétente et réunie au sein d’un Collège remanié autour de priorités resserrées et intelligibles à tous.

Lacunes pointées

Témoignant d’un sens de l’ouverture, Jean-Claude Juncker a aussi, dès sa prise de fonctions, associé les Etats et le Parlement à l’élaboration du programme de travail limité de sa Commission dans la perspective de voir l’Union délaisser les petits sujets et s’atteler aux enjeux les plus importants.

Pointant les lacunes européennes, il a aidé les Etats à prendre leurs responsabilités en leur soumettant des solutions ouvertes, équitables et de long terme afin de résoudre la crise des réfugiés, de consolider la zone Euro ou, plus récemment encore, de réformer le budget européen.

Et la Commission a eu raison de prendre les devants ! Le dispositif de répartition des réfugiés est non seulement légal, comme l’a confirmé la Cour de justice de l’Union, mais bien une solution équilibrée. Alors que les Etats n’ont que peu mis en oeuvre les recommandations faites par les institutions pour parachever la zone euro, la Commission veille utilement à maintenir leur implication.

Enfin, les négociations sur le cadre budgétaire pluriannuel qui se profilent dans le contexte du « Brexit » rendent impératives de nouvelles ressources plus autonomes des Etats et des dépenses mieux allouées.

Les dossiers avancent

Sur le plan technique, la Commission Juncker a permis de faire avancer des dossiers d’intérêt partagé. Le plan de relance de l’investissement, si critiqué à ses débuts, apporte des résultats très nets  et sera prochainement doublé et prolongé.

Les deux nouvelles Unions, de l’énergie et du numérique, sont déployées en soutien à des secteurs porteurs, qui renforcent l’indépendance et l’attractivité européenne. Enfin, l’exécutif aura mis en musique des pans importants de l’Union bancaire, qui doit néanmoins être menée à terme.

Ces actions ne sont pas étrangères à l’éclaircissement économique dont nous profitons aujourd’hui. Les Etats sont tenus de conforter ce mouvement, en sélectionnant, après les élections allemandes, les réformes de la zone Euro pouvant faire consensus. Plusieurs sujets techniques (Union bancaire, restructurations des dettes) pourraient être avancés de pair avec une réflexion sur les réformes institutionnelles.

Un bilan parfois terni

Certes, Jean-Claude Juncker a fait l’objet de critiques, en particulier lors de  la grave affaire « LuxLeaks ». Mais la rapidité avec laquelle il en a assumé la responsabilité politique et confia à Pierre Moscovici la mise en oeuvre d’un agenda de lutte contre l’optimisation fiscale n’est-elle pas bien plus importante ?

De la même façon, si l’action de cette Commission a pu être ternie par les crises (migratoire, sécuritaire, économique, du Brexit), il faut reconnaître qu’elle ne peut guère en être tenue responsable… et qu’elle cherche, précisément, à leur apporter des solutions.

L’action remarquable de  Michel Barnier dans la conduite des négociations du Brexit avec le Royaume Uni en atteste. Vouloir solder le divorce avant de parler de nos relations commerciales futures est une approche pertinente. Défendre l’unicité du marché intérieur et des quatre libertés qui l’accompagnent est essentiel. Maintenir l’unité des 27 Etats, dont les opinions manifestent d’ailleurs un regain d’attachement à l’Union, est une franche réussite.

Au total, le mérite principal de la Commission Juncker est sans doute d’avoir posé les bases d’une relance politique de l’Union.

Olivier Marty enseigne les institutions et l’économie européennes à SciencesPo et à HEC

Article publié initialement sur lesechos.fr le 14/09/2017