Tribune co-écrite avec Olivier Boruchowitch, philosophe, publiée dans la Libre Belgique le mardi 28 juillet 2015

Le Conseil des ministres de l’Intérieur du 20 juillet aura finalement avalisé le plan élaboré par la Commission pour relocaliser les demandeurs d’asile échoués en Grèce et en Italie, et réinstaller ceux qui se situent dans les camps de réfugiés au Proche-Orient. Cette issue positive, si curieusement à contre-courant des cris d’orfraie de plusieurs États membres qui refusaient initialement de se voir imposer des « quotas », est le fruit d’un travail particulièrement constructif de la présidence luxembourgeoise. Il est désormais utile de réfléchir à ce qui peut être une approche cohérente de la migration en Europe, comme la Commission nous y invite dans son agenda publié en mai.

Le premier volet de ce texte portait précisément sur la relocalisation (des demandeurs d’asile) et la réinstallation (des réfugiés des camps). Avec lui, l’Union peut exprimer ses valeurs d’humanisme, soulager des États débordés par le problème et répartir assez équitablement entre les capitales la charge d’accueil de 60.000 personnes, un nombre somme toute très relatif. La contrainte voulue par la Commission est certes difficile à faire accepter à des opinions publiques anxiogènes. Mais elle l’est encore plus quand on leur fait croire au résultat inverse de celui sur lequel on s’accorde !

La Commission souhaite, en deuxième lieu, avancer sur des pans de législations existants qui renforcent notamment la sécurité de l’Union. Ainsi, elle a déjà accepté une augmentation substantielle des moyens de l’agence Frontex pour œuvrer à la surveillance des côtes et au sauvetage en mer. Elle a émis l’idée de mener une opération militaire européenne contre les passeurs au large de la Libye, qui reste en attente d’un feu vert des Nations Unies. Mais l’exécutif communautaire va plus loin, en voulant améliorer les dispositifs existants de lutte contre l’immigration illégale et de coordination en matière d’immigration économique et d’asile. Elle invite les États à traiter la migration autrement que dans l’urgence dans un souci d’efficacité.

Comme l’indiquent Yves Pascouau et Antonio Vitorino dans un texte publié par l’Institut Delors, cet aspect de l’agenda migratoire de la Commission peut donner l’impression de manquer d’ambition. Mais si la marge de manœuvre de l’exécutif est très étroite, c’est qu’il est difficile, dans les circonstances politiques nationales et européennes actuelles, de créer un véritable espace de dialogue entre les États pour avancer sur ces questions très sensibles. Organiser ce débat est donc propice au dépassement des initiatives nationales qui se révèlent inefficaces. C’est aussi une façon de dessiner une politique de migration économique commune que Stand up for Europe et le Parti Fédéraliste Européen appellent de leurs vœux dans leur initiative citoyenne (*).

A long terme, enfin, la Commission fait des propositions ambitieuses afin d’harmoniser le droit et les pratiques nationales en matière d’asile, d’améliorer encore la gestion des frontières (avec, à terme, la création d’un corps de garde-côtes européen), et de faciliter l’embauche de travailleurs migrants. Il faut voir dans cet aspect de l’agenda une volonté d’avancer vers la mise en place d’une politique migratoire exhaustive conjuguant la mobilité des migrants, vers et dans l’Union, et la protection du territoire européen. Une politique efficace, juste et ferme conduite par une autorité qui en assume au mieux la gestion et la responsabilité.

Il incombe à présent aux États de s’approprier l’agenda exhaustif que présente la Commission européenne et de le relayer régulièrement à leurs Parlements et à la société civile pour dépassionner des débats par nature trop sensibles.

Olivier Marty est Maître de conférences à SciencesPo Paris. Olivier Boruchowitch est philosophe.

Ils sont membres de Stand up for Europe.