La Commission européenne vient de présenter un document sur l’avenir de la zone Euro. Il faut se réjouir de cette initiative car, si les débats récents ont esquissé des perspectives utiles et attendues dans les domaines régaliens, la monnaie unique demeure fragilisée par la divergence de ses économies, une trop faible croissance, et un soutien fléchissant chez les jeunes générations, soucieuses de résultats. L’union monétaire est aussi le projet politique qui illustre au mieux nos valeurs et notre exemplarité dans le reste du monde.

Il faut rappeler que le renforcement de l’Euro s’inscrit dans la continuité de la réforme du cadre de gouvernance économique engagée au cours de la crise. Depuis 2011, en effet, l’Union dispose avec le Semestre européen d’un nouveau dispositif de coordination des politiques économiques et budgétaires des Etats. Ses règles budgétaires sont à la fois plus judicieuses et plus dissuasives, avec l’instauration d’un nouveau mécanisme de sanctions. Une attention accrue est portée aux déficits macroéconomiques excessifs, qui avaient été négligés dans les années fastes. Enfin, la perspective d’une politique budgétaire propre à la zone Euro a été favorisée, comblant une lacune majeure de l’union monétaire.

Souvenons-nous aussi que la Commission capitalise sur les propositions avancées dans le cadre de la première phase du Rapport des cinq présidents. Depuis 2015, l’exécutif européen a posé les jalons d’une meilleure articulation des politiques nationales avec les recommandations faites pour la zone Euro, souligné l’importance des indicateurs sociaux, et proposé la mise en œuvre de conseils de compétitivité nationaux. M. Moscovici a rappelé les enjeux de long terme (budget, Trésor, Ministre des Finances de la zone contrôlé démocratiquement). Dans le contexte politique d’alors, marqué par les ressentiments et les échéances électorales de 2017, c’était faire valoir l’intérêt général.

Cet historique permet de souligner l’habileté de l’approche actuelle. Les tabous (budget de la zone Euro, « Eurobonds », assurance chômage) sont écartés ou reformulés au profit de solutions médianes. Aussi, un équilibre entre les logiques de solidarité et de responsabilité se dégage tant dans l’idée du mécanisme de stabilisation (système de protection de l’investissement lors de récessions et dispositif de réassurance-chômage) que dans les mesures visant la convergence (meilleur usage du Semestre européen et conditionnalité des fonds structurels aux réformes). Enfin, des priorités manifestes, comme la conclusion de l’Union bancaire, sont replacées en haut de l’agenda.

Bien sûr, plusieurs questions fondamentales restent en suspens : les règles budgétaires pourraient être revues à l’aune du contexte macroéconomique actuel afin de favoriser la croissance; la marge d’appréciation de la Commission dans le déclenchement de sanctions est encore grande, ce qui ne permet pas de les rendre crédibles ; le Semestre européen est diablement technocratique, sans que les recommandations qui en émanent soient suffisamment mises en œuvre par les Etats. Mais il faut veiller à appliquer les dispositions existantes avant de les remettre en cause ; gardons-nous de critiquer les règles du jeu quand nous perdons simplement, parfois, la partie !

Ainsi, les propositions pour la zone Euro mises sur la table par la Commission fournissent amplement matière à des avancées. Le contexte actuel de reprise conjoncturelle et de renouveau français est très porteur. Mais soyons patients: des avancées réelles ne seront obtenues qu’à la faveur de signes tangibles de convergence économique et de regain de coopération politique bien au-delà du seul duo franco-allemand.

 Olivier Marty, enseigne les institutions européennes à SciencesPo

 

Publication originale pour Les Echos le mardi 6 juin 2017.