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Le plan Juncker de relance de l’investissement constitue une réponse politique habile à un enjeu intéressant autant les Etats que les représentants européens. Avec une dotation initiale de 21 milliards d’Euros, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) agira comme un fonds de garantie des activités additionnelles de la Banque européenne d’investissement (BEI). « La banque de l’UE » utilisera des produits de financements à risque à hauteur de 60 milliards afin de catalyser 255 milliards de financements, si possible privés. Les 315 milliards d’Euros d’investissements prévus bénéficieront aux infrastructures, à la R&D, aux PME et ETI.

Il est essentiel que le Conseil ECOFIN, saisi du dossier depuis janvier, parvienne à un accord le 10 mars, comme l’a souhaité la présidence lettonne, afin de laisser suffisamment de temps au Parlement européen pour exprimer ses positions. Ainsi, le dispositif pourra être opérationnel d’ici l’été, comme l’a annoncé le Président Juncker. Deux points restent toutefois incertains à ce jour: l’éligibilité aux financements du plan Juncker de projets ayant bénéficié de subventions par le biais des programmes « Mécanisme d’interconnexion Europe – MIE » et Horizon 2020 et les traitement des Banques publiques nationales (BPN), qui souhaitent obtenir les mêmes garanties que la BEI lorsqu’elles cofinanceront des investissements éligibles au plan Juncker.

L’éligibilité des projets financés par le MIE ou par Horizon 2020 au plan Juncker fait écho à l’éligibilité des programmes financés par le biais des fonds structurels européens. Alors que ces derniers sont explicitement envisagés dans la proposition de règlement, les financements au titre du MIE et de Horizon 2020 ne sont pas prévus. Ce point déçoit certains Etats impécunieux et certaines régions relativement moins riches, qui souhaitent pouvoir utiliser des subventions sur certains projets d’infrastructure, parfois non ou peu rentables (de transport, par exemple), avant de se tourner sur les marchés pour obtenir des emprunts additionnels, si possible avec le label du plan Juncker.

D’autres Etats membres, ainsi que la Commission, ne l’entendent pas de cette oreille. Les projets prévus au Plan Juncker doivent en effet être rentables. En effet, si le but est d’attirer l’investisseur privé sur des projets de long terme et d’utilité collective, encore faut-il que ces projets, même risqués, soient capables de rémunérer l’investisseur. A défaut, le FEIS ne serait qu’un mécanisme d’investissement à fond perdu dont les créances devraient être soldées par le contribuable. Compte tenu des dissensions observées au Conseil, le Parlement européen, en tant que représentant des territoires, devrait se voir laisser le dernier mot sur cette question.

Le nombre et l’ampleur des contributions des BPN au capital du FEIS devraient, en revanche, rester du ressort du Conseil. Si celles-ci souhaitent bénéficier des mêmes garanties que la BEI dans le cadre de leurs co-financements de projets éligibles au Plan Juncker, il est souhaitable qu’elles soient plusieurs à contribuer de façon substantielle au capital du Fonds. La dotation et la puissance du FEIS s’en trouveraient augmentés, même si les promoteurs de projets et les marchés devraient alors s’assurer de répondre à des volumes d’investissement significativement accrus.

Il est urgent que l’ECOFIN fasse aboutir les négociations du plan Juncker, notamment sur la question des contributions des BPN. Cet accord permettrait de passer à l’étape suivante, consistant à établir, à l’usage des services de la Banque, des directives opérationnelles sur les typologies et la mesure de risques des projets garantis par le Fonds afin que celui-ci soit rapidement opérationnel.

 

Olivier Marty, Maître de conférences à l’ESSEC