Si l’UE valorisait son action sur les trois points de tension qui préoccupent les Italiens, elle pourrait amplifier les coopérations qu’ils supposent et diminuer le risque d’un scénario catastrophe.

Les craintes suscitées par la crise politique et  l’improbable coalition des populismes en Italie , en particulier au plan de la stabilité financière, interrogent sur la réponse que devrait adopter l’Union européenne à son égard. L’exercice est notoirement délicat, tant les voix européennes sont discréditées dans la péninsule. Cependant, l’Union pourrait à juste titre rappeler à l’opinion et aux dirigeants italiens sa valeur ajoutée pour le pays et les coopérations qu’elle a promues récemment pour aider à en résoudre les difficultés.

En matière migratoire, d’abord, l’Europe pourrait remémorer le bien-fondé de sa réponse initiale, prospective et équitable. Le mécanisme de relocalisation des réfugiés arrivés en Grèce et en Italie, acté en 2015, s’est en effet, finalement, révélé efficace, de même que celui, concomitant, de réinstallation de demandeurs d’asile en provenance d’Afrique et de Syrie. L’accord conclu avec la Turquie, inclus dans ce dernier dispositif, a lui aussi porté ses fruits, ce qui est peu connu ! Dans un contexte de baisse sensible du flux d’arrivées de demandeurs d’asile en 2017 par rapport aux années précédentes, c’est une première approche et un bilan à faire valoir.

Certes, beaucoup reste à faire sur cette question sensible, que ce soit en matière de protection des frontières, de pérennisation de la logique d’un accueil proportionné, de réforme du droit d’asile, d’élaboration d’une politique migratoire commune et de développement des pays d’émigration. Mais, précisément, ces enjeux ont tous été pris en compte dans l’Agenda européen pour les migrations promu depuis 2015 : les Etats, dont l’Italie, qui en négocient les dispositions techniques, et dont la coopération peut être appuyée par des aides financières de l’Union, devraient donc amplifier leurs efforts dans ce cadre, qui sauvegarde autant nos valeurs que nos intérêts économiques et diplomatiques.

Mécanismes européens

La partie sera plus rude en ce qui concerne l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, quand bien même les risques financiers que fait peser l’Italie en rappellent toute la nécessité. La tentation serait grande d’attendre que le pays se trouve au bord du précipice et déstabilise la zone avant d’actionner notre dispositif de gestion de crise. C’est pourquoi on peut espérer la poursuite d’un débat plus constructif sur certaines propositions faites récemment par la Commission, faire levier du nouveau cadre de coordination des politiques économiques et persévérer tant sur la question du traitement des dettes en zone euro que sur l’Union bancaire.

Enfin, pour répondre aux maux structurels de l’économie italienne (sous-investissement chronique, faible productivité et démographie en berne), qui ne semblent pas, loin s’en faut, pouvoir bénéficier des premières mesures envisagées par les populistes tentant de s’imposer à Rome, les apports financiers européens devraient une nouvelle fois être rappelés. Sur les cinq dernières années, l’UE aura engagé quelque 32 milliards d’euros de fonds structurels, et la BEI investi quelque 50 milliards, plaçant l’Italie parmi les tout premiers bénéficiaires des prêts de la banque. Au titre du « plan Juncker », prolongé récemment, ce sont également près de 40 milliards qui sont mobilisés pour soutenir l’économie italienne.

En valorisant son action sur ces trois enjeux et en incitant ses Etats, au premier chef l’Italie, à amplifier les coopérations qu’ils supposent, l’Union européenne pourrait donc bien diminuer le risque d’un scénario catastrophe. Dans le même temps, la confrontation des nouveaux gouvernants italiens aux responsabilités qui leur échoiront pourrait augurer de leur attitude conciliante vis-à-vis de l’Union et des capitales.

Olivier Marty enseigne les institutions et l’économie européennes à Sciences Po et à HEC.

Publié par Les Echos le 12 juin 2018