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Le plan d’investissement de 300 milliards d’euros que la Commission européenne devrait présenter la semaine prochaine met la Banque européenne d’investissement (BEI) au premier plan. L’institution pourrait gérer un nouveau fonds d’investissement.

Annoncé en juillet dernier, le plan d’investissement de 300 milliards d’euros est un challenge pour la nouvelle Commission, qui compte sur lui pour lutter contre le chômage mais aussi renouer avec la croissance et… les Européens.

Plusieurs groupes de travail entre la Commission, la BEI et les États membres se sont penchés sur les conditions de ce plan au cours des dernières semaines : les outils de financement, les priorités sectorielles mais aussi géographiques. La solution de la création d’un nouveau fond semble avoir eu la préférence de la Commission, plutôt qu’une augmentation de capital de la BEI, selon Pierre Moscovici qui a donné une interview aux Echos sur le sujet.

Critiques envers la BEI trop jalouse de son triple A

La dernière augmentation de capital de la BEI, en 2012, n’avait pas porté ses fruits et l’institution est depuis la cible de critiques récurrentes, surtout en France.

« La BEI est très jalouse de son triple A, ce qui n’a aucun sens, il ne sert à personne » assure un haut fonctionnaire français. Un point de vue partagé par l’eurodéputé Dominique Riquet, qui tente de mettre en place un intergroupe sur le sujet de l’investissement au Parlement européen. «Il faut que le pouvoir décisionnel revienne aux mains des politiques, plutôt qu’aux institutions financières » assure-t-il, estimant que le plan ne sera efficace que s’il parvient à mettre en place des priorités, qui ne peuvent qu’être choisies par les politiques.

« Pour l’heure, la BEI choisit des projets qui lui sont présentés, mais il faut que ce soit l’inverse pour qu’une vraie cohérence soit possible » insiste l’homme politique, en ajoutant que l’excellente note de la BEI sert plus à « satisfaire ses administrateurs qu’à remplir sa mission de service public ».

Comme l’indique la Banque de France, la BEI  présente la qualité de crédit la plus élevée qui soit aujourd’hui, non seulement en raison des notes que lui attribuent les agences de notation, mais aussi de la faiblesse des risques qu’elle prend au titre de Bâle II : ses statuts l’obligent à ne pas investir plus de 2,5 fois ses fonds propres.

Un fonds ad hoc pour démultiplier les capacités financières

Le recours à la création d’un fonds spécifique « ad hoc » permet de répondre à ces critiques : le fonds devrait être abondé à la fois par les États et par le budget communautaire, avant de lever de façon autonome des fonds sur le marché pour financer les projets éligibles. Un mécanisme qui aurait un effet « multiplicateur » sur les fonds réellement engagés en raison de  la garantie offerte par la BEI, et qui fonctionnera donc comme le Mécanisme Européen de Stabilité, le fonds de secours européen qui dispose de la capacité de lever des fonds pour aider les Etats membres de la zone euro en détresse.

L’aversion au risque est une des raisons du manque d’investissement en Europe, dont le montant a sérieusement baissé depuis le début de la crise financière :  il représente à peine 2 % du PIB contre 4 % du PIB aux États-Unis.

« Le stimulant d’incitations et d’investissements publics est un prérequis pour regagner la confiance des investisseurs privés » constate Philippe Herzog, président de Confrontations Europe, qui précise qu’il n’est possible de s’attaquer aux « défaillances » du marché qu’en l’approfondissant, et aux défaillances de coordination entre États et Union qu’en organisant une véritable coresponsabilité.

Résoudre le problème de la demande

Selon Olivier Marty, maître de conférences à Sciences Po, le plan d’investissement envisagé pourrait fonctionner en répondant au principal enjeu macroéconomique du moment : le manque de demande.

« L’investissement peut combler le manque de demande de court-terme en même temps que rehausser la croissance potentielle, ce qui sera bénéfique pour la croissance et l’emploi » assure le spécialiste. La faible croissance constatée en Europe serait en effet la conséquence d’un cercle vicieux entre des investissements faibles et une demande intérieure en panne. Les ressorts de la demande intérieure sont toutefois complexes : ils semblent plus psychologiques que réels, puisque le pouvoir d’achat des Européens continue de progresser sans que la consommation ne reparte. «De la même façon, la prévisibilité de l’environnement économique est déterminante pour les entreprises dans leurs décisions d’investir » estime l’économiste.

Le plan Juncker veut donc répondre à plusieurs enjeux : ceux  de l’emploi et de la croissance, mais aussi de la confiance.

Des projets emblématiques pour les Européens

Pour l’heure, les différents pays tentent d’attirer les investissements à eux en mettant en avant leurs besoins. « La priorité est de déterminer des secteurs prioritaires, à partir desquels générer un flux de projets, parmi lesquels se trouveront des programmes nationaux emblématiques comme sans doute le plan de rénovation numérique des écoles ou le le Roissy-CDG Express en France» explique Olivier Marty.

Au-delà des desiderata nationaux, les secteurs ont aussi poussé leurs pions, à l’instar de la DG Energie qui souhaite qu’une partie du plan soit affectée à la rénovation thermique en Europe.

Dans un rapport remis mercredi 19 novembre au gouvernement français sous sa casquette d’ex-parlementaire français, le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici a plaidé pour un structure proche du programme français des investissements d’avenir, ou « facilité d’investissement européenne », qui serait dotée de contributions nationales et européennes.

La veille, Emmanuel Macron, le ministre de l’Industrie, avait fait part au Financial Times de ses doutes sur le plan Juncker, estimant que la France souhaitait qu’il soit constitué d’argent frais à hauteur de 60 à 80 milliards d’euros. Une hypothèse haute par rapport aux projections actuelles de la Commission.